HISTOIRE & PATRIMOINE

La municipalité remercie l’association « Les Amis du Villemur Historique » pour la rédaction de cette rubrique.

VILLEMUR, VILLE D’HISTOIRE

1. VILLEMUR AVANT VILLEMUR

Epoque du paléolithique

À l’époque du paléolithique, voici plus de 500 000 ans, les premiers humains qui ont foulé le sol du Villemurois étaient nomades. Leur nourriture dépendait avant tout de la chasse au gibier, mais ils pratiquaient aussi la pêche saisonnière et la cueillette. Ces activités les contraignaient à se déplacer souvent. Ils établissaient des campements provisoires sur les terrasses du Tarn, ou occupaient des abris sous roche le long des coteaux. Ils y taillaient des galets roulés par les cours d’eau, comme les nombreux bifaces en quartzite et en quartz que nous pouvons découvrir sur notre territoire.

Du néolithique à la protohistoire

Vers 5 000 ans avant J-C, de nouvelles populations originaires du Moyen-Orient s’installent dans notre région. Elles révolutionnent les modes de vie. Sédentarisés, ces peuples néolithiques sont alors agriculteurs et bergers, inaugurant une économie de la production. Les galets servent à fabriquer des haches polies et des meules pour moudre le grain. La poterie et les premiers habitats permanents apparaissent alors …ainsi que la guerre ! Quelques millénaires plus tard, on travaille le cuivre, on invente le bronze. Enfin, à l’âge du fer, le Villemurois se trouve au « carrefour » des territoires des Aquitains à l’Ouest, des Celtes au Nord, des Volques et des Ibères au Sud-est. Ces populations entretiennent aussi des relations avec les Grecs de Marseille et d’Ampurias en Espagne.

De la colonisation romaine au royaume wisigoth

En 121 avant J-C, la République romaine colonise les territoires s’étendant des Alpes aux Pyrénées qui deviendront la Provincia Romana avec Narbonne comme capitale. Le Villemurois vit dès lors à l’heure de Rome et s’inscrit dans les structures successives de l’Empire. En 418 après J-C, les Wisigoths originaires de la Baltique et romanisés depuis un siècle en Orient, fondent un vaste royaume s’étendant à son apogée, de la Loire à Gibraltar avec Toulouse comme capitale. La toponymie et les nombreux objets relevés témoignent de la forte implantation des hommes et femmes de l’Antiquité sur notre terroir, tant sur les coteaux que dans la plaine. Sans oublier les ports fluviaux du Pas à Villemur, et de l’Escalère à La Magdeleine, le Tarn étant alors utilisé pour le transport notamment de la céramique sigillée de Montans et du vin du Gaillacois.

2. LA NAISSANCE DE VILLEMUR

Naissance et expansion de Villemur

La première mention d’un castellum de Villemur est datée vers 1035. Villemur se trouve alors au carrefour des zones d’influence de deux grandes familles princières : les comtes raimondins de Toulouse et les vicomtes Trencavel d’Albi-Béziers. C’est à ces derniers que les Villemur doivent leur château (castellum), c’est à eux qu’ils prêtent serment vers 1035. Le château de Villemur sera géré par deux branches de la famille Villemur à partir du milieu du XIe siècle. Les Villemur tirent donc leur nom d’un château. Progressivement le mot Villemur désigne le village qui se développe à l’ombre de cette forteresse, qui vers 1050-1100 se situait à l’emplacement de l’actuel Square de la Voie, sur les hauteurs de la ville. En 1178 une charte de franchises écrite en occitan précise les classes sociales de la cité. Ces chartes de coutumes et de franchises, limitent le pouvoir des princes et protègent les droits des habitants. Cette fin du XIIe siècle constitue une sorte d’apogée pour la famille des Villemur, riche lignage aristocratique à la frontière du Bas-Quercy et du Nord Toulousain. Les troubles provoqués par la croisade contre les Albigeois (1209-1229) seront pourtant néfastes pour le devenir de leur seigneurie.

Villemur seigneurie cathare

Dans le castrum se trouvaient plusieurs maisons de « bonnes femmes » ou parfaites cathares. Plusieurs seigneurs des environs dont Bertrand de Villemur protégeaient ces chrétiens dissidents ce qui vaudra à ce dernier d’être excommunié vers 1110, les Villemur se faisant remarquer pour leur opposition à l’église. Ces religieuses et religieux étaient organisés en communautés constituant des maisons de travail consacrées à des activités artisanales afin de subvenir à leurs besoins. Ils ne reconnaissaient pas d’autre hiérarchie que celle de leur évêque, refusant l’autorité du pape et la hiérarchie catholique, raison pour laquelle ils furent condamnés puis persécutés.

La Croisade aux portes de Villemur

En 1208, le pape Innocent III lance depuis Lyon la Croisade contre les hérétiques vers les terres du comte de Toulouse dans lesquelles se trouve Villemur. Afin de détourner l’armée croisée de ses territoires, le comte Raimond VI se réconcilie avec le pape le 18 juin 1209. La crainte des villemuriens est justifiée surtout quand s’annonce une autre armée de croisés composée de chevaliers d’Auvergne et du Quercy qui allume le premier bûcher de la croisade à Casseneuil. À l’annonce de l’arrivée proche des croisés, les habitants de Villemur pris de panique mettent le feu à la ville. Gagnés par la peur, le diacre de la ville Raimon Aimeric et les hérétiques se sauvent. Par Roquemaure et Giroussens ils atteignent Lavaur. À partir de 1212 les domaines du comte de Toulouse deviennent la cible des croisés. En 1218, Simon de Monfort est tué au siège de Toulouse et son fils Amaury capitule quelques années plus tard en 1224.
La contre-offensive royale de 1226 se solde après trois ans de guerre par la victoire des capétiens et la soumission du comte Raimond VII à la couronne de France.

La fin de la seigneurie de Villemur

Parmi les sanctions infligées par le traité de Paris (1229) au comte Raimond VII, le castrum de Villemur fait partie des huit places que le comte doit donner en gage au roi de France pendant dix ans. Treize ans plus tard, en 1242, Pierre de Villemur et les autres chevaliers s’engagent à respecter le traité de 1229. Villemur devient, en 1250, le chef-lieu d’une baillie dans la sénéchaussée de Toulouse, et en 1271, dans l’église Saint-Michel, Elie de Villemur prête serment de fidélité au nouveau seigneur, le roi de France après le décès sans postérité d’Alphonse III et de Jeanne de Toulouse.

L’inquisition sévit dans le villemurois

Dès 1242, suite à l’assassinat des inquisiteurs à Avignonet, l’action inquisitoriale se renforce. Entre 1243 et 1244, Bernard de Caux inspecte Villemur et ses environs. Dans la trentaine de dépositions conservées dans son registre, six concernent Villemur.
La dissidence cathare disparait peu à peu dans le Midi, et l’action menée par Bernard Gui entre 1307 et 1322 lui porte un coup fatal. Sur les 499 sentences prononcées par Bernard Gui, 67 concernent le canton de Villemur.

La famille de la Voie

En 1319, Philippe V cède la baronnie de Villemur à la famille de la Voie apparentée au pape Jean XXII. De cette époque on retiendra le renforcement des fortifications de la ville dont la tour Papou en est le vestige, mais aussi, très certainement, la construction par Pierre de la Voie de chaussées et moulins sur le Tarn. Lors de la guerre de Cent Ans, la famille de la Voie s’illustrera dans la lutte contre les Anglais et la baronnie de Villemur sera élevée au titre de vicomté en 1342 par le roi Philippe VI. Épargnée par les Anglais, la ville tombera néanmoins aux mains des « routiers » de Villandrando en 1439.
La vicomté de Villemur demeure la possession de la maison de Foix jusqu’au décès en 1549 de la dernière héritière, Claude de Foix. Pendant dix ans, « la guerre de succession » va faire rage entre le vicomte de Martigues, son héritier le duc d’Etampes, et la famille d’Albret. Un accord est finalement conclu par la transaction du 13 mars 1559, attribuant la vicomté de Villemur à Jeanne d’Albret, fille et héritière d’Henri d’Albret, roi de Navarre, décédé en 1555.

3. DANS LA TOURMENTE DES GUERRES DE RELIGION

Jeanne d’Albret hérite de la vicomté de Villemur et tente d’y imposer la religion protestante. Après son décès en 1572, son fils Henri de Navarre devient le nouveau vicomte de Villemur. Le futur roi de France Henri IV fera d’ailleurs en 1585, plusieurs séjours dans nos murs. Villemur vivra alors au rythme des événements tragiques suscités par les Guerres de Religion qui se sont poursuivies tout au long du XVIe siècle. En 1592, Villemur est le théâtre d’une des batailles affrontant les ligueurs (catholiques), et les protestants dans laquelle le chef de la Ligue catholique, Antoine Scipion de Joyeuse, trouvera la mort. Quelques années après, en 1596, Villemur passe aux mains du calviniste François de Bonne, plus tard duc de Lesdiguières.
C’est à son initiative que sera construite une splendide demeure dont il ne subsiste aujourd’hui qu’une partie appelée « les Greniers du Roy ». Lesdiguières vendra ensuite la vicomté au roi de France Louis XIII en 1621. Ce dernier, à la demande du conseil de la ville las des querelles avec les protestants montalbanais, ordonnera en 1631 la démolition du château. C’est la fin de la vocation militaire de la ville, de ses quatre portes fortifiées et ses ponts levis. Les murailles de la ville sont conservées pour protéger la cité « des loups et des brigands ». Sur les hauteurs de la ville, à l’emplacement actuel du square de la Voie, il ne reste rien du château féodal, si ce n’est sans doute les caves et souterrains. Seulement deux édifices échappent à la démolition : la Tour, dite Tour du moulin, (appelée de nos jours « la Tour de Défense ») conservée sans doute à cause de sa fonction économique, ainsi que la tour Papou récemment remise en valeur.

4. VILLEMUR SOUS L’ANCIEN RÉGIME

Des vicomtes à la Révolution

Du milieu du XVIIe siècle à la Révolution la ville sera sous la coupe d’une succession de vicomtes qui feront un passage plus ou moins éphémère. Leurs administrateurs devront gérer les querelles avec les conseils de ville, les soubresauts des guerres religieuses, les épidémies de peste, les famines, la réforme catholique et les calamités de la nature parmi lesquelles les crues dévastatrices du Tarn. Citons parmi ces vicomtes, Louis Ardier duc de Vineuil, Fouquet duc de Belle-Ile, et enfin, le « dernier seigneur » Guy Ménoire de Beaujau. La révolution de 1789 se passera sans incident majeur à Villemur contrairement à certaines communes voisines comme Buzet-sur-Tarn ou Villeneuve-les-Bouloc. Tout au plus doit-on mentionner la « grande peur » de la fin juillet 1789, folle rumeur qui se propage, de Villemur livrée aux flammes « par une horde sauvage de brigands ». Citons aussi les frasques de la Bande Noire dite des « tourilleurs », l’émeute jacobine de 1792, et l’agitation soulevée par l’anarchiste abbé Peyrusse.
Dans cette période de troubles, où la patrie est en danger, Villemur participera à l’effort de guerre et de nombreux jeunes seront affectés aux armées de la République, sur terre et sur mer. Deux de nos concitoyens, le colonel Cailhassou et le général Lapeyre s’illustreront sur les champs de bataille y compris plus tard pendant les guerres napoléoniennes.

5. VILLEMUR AU XIXe siècle

Villemur va vivre au rythme des nombreux changements de régime tout au long de ce siècle, se soumettant bon gré mal gré au pouvoir de Paris. On assiste de temps à autre à quelques regains de tension
entre royalistes et bonapartistes sous la Restauration, mais également sous la Monarchie de Juillet en 1832 où la troupe de Toulouse est envoyée pour rétablir l’ordre.
Ce siècle verra aussi la réalisation de projets d’une importance capitale pour la ville : la construction du premier pont sur le Tarn en 1834, et la création de la route directe Toulouse-Villemur par Cépet. D’autres travaux vont embellir la ville : l’ouverture d’une promenade le long du Tarn allant du pont jusqu’au Port-Haut, la destruction du « moulon » de la mairie qui préfigure la place de l’hôtel de ville.
Un des faits majeurs du siècle sera aussi la construction de la nouvelle église Saint-Michel, quatrième du nom en même lieu, projet tenu à bout de bras par le curé Fieuzet. De la pose de la première pierre en 1859, à la fin des années 1880, le chemin sera long, mais Villemur peut s’enorgueillir de ce splendide édifice renfermant des trésors comme les peintures de Bernard Bénezet ou les stalles datant de 1670.
Après la défaite française à Sedan, et la capitulation de l’empereur Napoléon III, la république est proclamée le 4 septembre 1870. Le lendemain, à Villemur, les opposants à l’octroi, en rébellion contre le péage, abattent les câbles du pont qui s’effondre dans le Tarn. Deux ans plus tard un nouveau pont est opérationnel, et en 1875 le péage est supprimé.
Alors que la navigation sur le Tarn commence à décliner, voila que s’annonce le chemin de fer : les dernières semaines de 1884 la Compagnie du Midi ouvre la ligne entre Montauban et Saint-Sulpice par Villemur. L’arrivée du rail va ouvrir de nouvelles perspectives au quartier Saint-Pierre sur la rive gauche et à la manufacture Brusson Jeune qui y est implantée.

6. Le TARN, AMI ET ENNEMI

Entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, l’histoire économique et sociale de Villemur est étroitement liée à sa rivière, le Tarn. La navigation et le commerce, privilégiant la voie fluviale à la voie terrestre peu sûre, feront de Villemur le port le plus actif de l’axe Albi-Moissac et également le principal chantier de constructions navales. En aval de la tour du Moulin, sur la rive droite au lieu-dit « la cale », les charpentiers de navire construisaient les gabarres dont certaines de fort tonnage allant jusqu’à 40 tonnes.
Elles transportaient principalement céréales, pastel, vin, charbon, bois vers Bordeaux via la Garonne, et ramenaient du sel, du poisson séché et des épices.
De nombreux maîtres de bateaux, charpentiers de marine, marins, radeliers, sans compter les différents métiers artisanaux qui se développent autour de la batellerie et du commerce fluvial (cordiers, tonneliers, etc.) sont recensés pendant ces siècles d’intense activité fluviale. En 1761 on évaluait à 400 le nombre de villemuriens, considérés comme « gens de mer », qui servaient dans la marine royale.
Mais le Tarn de façon régulière au fil des siècles se montre menaçant, voire dévastateur. Les crues de 1766 et de 1772 emportent une partie des murailles et détruisent les portes de la ville. En 1789, la débâcle des glaces rompt la digue des moulins portant préjudice aux bateliers et meuniers de la ville.

7. LA VIE ECONOMIQUE AU XIXe SIECLE

Les révolutions industrielles

La vocation agricole est intimement liée à la vie de la commune depuis la nuit des temps. Les grands domaines y cohabitent avec des exploitations moyennes et des fermes et métairies, ces dernières les plus nombreuses. Sur cette riche plaine d’alluvions et les terrasses de la rive gauche, on y cultive essentiellement céréales et vigne. L’élevage y est également diversifié. Sur la rive droite, c’est l’agriculture des coteaux où aucun pouce de terre n’est laissé en friche. Nombreux sont les villemuriens à posséder une « pièce » de terre, qu’ils cultivent pour leurs besoins personnels.
Le commerce sur le Tarn est toujours florissant, le trafic est intense avec la construction de solides chaussées, et de modernes écluses. Il faut aussi parler de la longue tradition des briquetiers et des tuiliers dont les familles Balat, Sempé, Laffage, Barrié et Pendaries sont les fers de lance. Les potiers de Villemur sont également renommés, les Delmas, Castella entre autres emploient de nombreux ouvriers. La chapellerie aura aussi son heure de gloire et atteindra son apogée au milieu du siècle, la dernière soufflerie de poils de Jean Duran était encore en activité en 1904. Une petite entreprise de fabrication de cire et chandelles Gay était aussi en activité vers 1835. Lors de la première révolution industrielle à partir de 1830 de petites industries voient le jour sur la rive gauche implantations facilitées par la construction du premier pont sur le Tarn en 1834: la manufacture de quincaillerie et fonderie Gausseran et Castelbou s’installe dans de vastes bâtiments construits à l’initiative de Messieurs Roques, Lostanges et Tauriac, propriétaires des moulins de Villemur. Après la dissolution de cette entreprise, sur le même site, la manufacture d’effilochage de chiffons Courthiade voit le jour. Après une trentaine d’année d’existence et un essai de fabrication de pâtes alimentaires, la société Courthiade fait faillite, les bâtiments sont vendus à Jean-Marie Elie Brusson.

La manufacture Brusson Jeune

C’est à lui que l’on doit la grande révolution industrielle, celle qui va bouleverser la vie de notre cité, en faire la fierté, et faire vivre en partie la ville pendant plus d’un siècle. Il est issu d’une vieille famille de meuniers et de mariniers, qui va se consacrer à partir du début du XIXe siècle à la construction de chaussées et de ponts sur le Tarn et ailleurs. Jean-Marie Elie représentant la branche Brusson Jeune, qui a commencé à fabriquer des pâtes alimentaires dans la Tour du Moulin et ses annexes dès 1872, décide donc en 1875 de s’implanter sur la rive gauche afin d’étendre son activité dans les bâtiments qu’il vient d’acheter, en utilisant l’énergie hydraulique du Tarn pour faire fonctionner ses machines. Dès lors il va rapidement installer son entreprise sur orbite au plan national et mais également dans le monde entier. En 1883 une amidonnerie de blé permet d’obtenir le gluten de blé nécessaire à la préparation des pains de gluten pour les diabétiques, produits dont le succès ira en grandissant jusqu’en 1914 notamment en Angleterre.
L’implantation de la voie ferrée Montauban / St-Sulpice arrive à point nommée pour favoriser l’essor fulgurant de l’entreprise. En 1888 l’installation de la scierie Sabatié sur un terrain dans l’enceinte de l’usine assure pendant 20 ans la fourniture des caisses pour les expéditions. Ateliers de cartonnage et imprimerie voient ensuite le jour ainsi qu’une usine électrique. Ainsi dès 1896 Villemur est éclairé en courant continu ce qui était très rare à l’époque. En plus de ses responsabilités de chef d’entreprise, Jean-Marie Elie Brusson s’investit dans la vie politique, il est maire de Villemur entre 1896 et 1907, puis pris par ses activités, il passe le relais à son fils unique Antonin en 1897.
Le succès ne se dément pas et bientôt s’élève une petite cité ouvrière selon le modèle réalisé à Noisel en Seine-et-Marne chez Meunier, le roi du chocolat. Enfin en 1908 est édifié un vaste bâtiment, minoterie et semoulerie, dernière grande réalisation et véritable cathédrale industrielle des Etablissements Brusson. Malgré les aléas que constituent la Grande Guerre, les inondations de 1930, la progression continue sous la houlette d’André qui a succédé à Antonin son père, en 1925. Le second conflit mondial va freiner l’activité, qui va rebondir, outre la fabrication des pâtes alimentaires, avec la production de biscottes et du fameux Novamyl. A cette époque-là, près de 600 personnes travaillent dans l’entreprise.
A l’orée des années 1970, en pleine époque des restructurations dans le secteur des pâtes alimentaires, Brusson Jeune se trouve isolé et doit céder sa marque au géant Panzani. C’est le début de la fin. Au début des années 80, l’effectif a fondu avec seulement 180 salariés, les restructurations se succèdent pour arriver au dépôt de bilan en 2006. Seule la fabrication du « cheveu d’ange » perdurera jusqu’à sa délocalisation en 2014. C’est la fin d’une histoire longue de 143 ans.

8. LE SIÈCLE DE TOUS LES DANGERS

La Belle Epoque

En ce début du XXe siècle, la ville profite de l’essor de la manufacture Brusson Jeune qui rayonne dans le monde entier, compensant largement le déclin de la batellerie. La ville est secouée en 1905 par la séparation de l’église et de l’état comme bien des communes, et par la sécession de Villematier en 1907, mais on se réjouit en 1912 de l’arrivée du « petit train » qui permet de rejoindre Toulouse en deux heures ! Dans des domaines différents, la construction des écoles publiques sur les Allées, la naissance du club de rugby local, l’élection de Charles Ourgaut à la mairie en 1911, sont autant d’événements qui marquent la vie de la ville.
La foule accourt applaudir l’aviateur Demazel à Calar, on danse valses et polkas aux accords de la Lyre villemurienne, c’est la fin de « la Belle Epoque » comme on a pu l’appeler à postériori. Du côté des Balkans, la fièvre monte, l’Europe fourbit ses armes, le pire est à venir…

Villemur dans la Grande Guerre

Le 29 juillet 1914, le 14e régiment d’infanterie fait étape à Villemur. En manœuvres à Caylus, il rejoint à marche forcée son casernement de Toulouse Saint-Agne. Mauvais présage ! Le 2 août la guerre est déclarée, en quelques semaines, la ville se vide de ses hommes qui partent vers le front. Dès la fin août les premières batailles de Lorraine et de Belgique font leurs premières victimes villemuriennes. La ville s’organise, on reçoit blessés et convalescents à l’hospice aménagé en hôpital bénévole. La mort en Champagne de Gaston Ourgaut le fils du maire bouleverse la ville. Bien d’autres suivront…Comme dans toutes les communes, les villemuriens vont vivre dans l’angoisse et le deuil jusqu’à l’armistice. Le 11 novembre 1919, on plante un tilleul sur la place désormais baptisée square des Pupilles de la Nation, et suprême hommage toute la population se retrouve le 26 novembre 1922 pour l’inauguration du monument aux morts, œuvre du sculpteur local Gabriel Sentis. Plus de 600 villemuriens ont été mobilisés pendant la durée du conflit, et 124 noms sont à jamais gravés dans le marbre du monument, dont 88 sont morts sur les champs de bataille.
Au sortir de la guerre, la ville est exsangue. Le recensement de la population de 1921 affiche 2 891 habitants : c’est le chiffre le plus bas depuis le premier recensement de 1793 ! Ce n’est qu’en 1922 que la balance entre naissance et décès redevient excédentaire.

La crue du 3 mars 1930

Douze ans après la fin de la guerre, un autre cataclysme va s’abattre sur la ville. Après un hiver pluvieux et des sols gorgés d’eau, un véritable déluge s’abat les premiers jours de mars sur la Montagne Noire et le bassin du Tarn. La conjonction des flots du Tarn et de son affluent l’Agoût, provoque une déferlante qui emporte tout sur son passage. À Villemur où l’alerte est donnée le 2 mars au soir, on relèvera le lendemain une élévation de 18 mètres du niveau des eaux par rapport à l’étiage. Le pont est emporté, des dizaines de maisons s’écroulent, et malgré les actes héroïques de bien des habitants, on déplorera six victimes dans le quartier Saint-Jean. La campagne environnante est sous les eaux, le préjudice est énorme chez tous les agriculteurs de la plaine. Les flots en furie sèmeront désastre et victimes chez nos voisins tarn-et-garonnais en particulier à Reyniès, Montauban et Moissac.

La reconstruction

Devant l’ampleur de ce désastre, la solidarité nationale va jouer un grand rôle, la tâche étant immense. Les secours vont affluer de toute part, même de l’étranger. Le 8 mars la ville reçoit la visite du Président de la République Gaston Doumergue accompagné du Président du Conseil André Tardieu. Le maire Charles Ourgaut, va faire jouer ses réseaux et solliciter son homologue et ami le très influent Edouard Herriot, maire de Lyon, et comme lui, membre du parti radical. Dans les cinq ans qui suivent, la ville est un vaste chantier. Rétablir la salubrité, reconstruire les quartiers détruits, remettre en service un pont sur le Tarn sont les priorités. Mais Charles Ourgaut voit plus loin pour sa ville. Bientôt surgissent de terre une nouvelle mairie, des murs de soutènement le long des berges du Tarn, et sur la rive gauche un jardin public et son kiosque, un parc des sports avec un stade vélodrome, piscine et bains-douches, infrastructures qui vont faire des envieux dans le département.
Villemur se relève de ses ruines, toute tournée vers l’avenir, dont ne profitera pas Charles Ourgaut qui décède le 12 février 1936.

9. LA PÉRIODE DE GUERRE 1939-1945

En 1939, Villemur entre de nouveau dans les années sombres, la mobilisation rappelle de mauvais souvenirs, certaines plaies ne sont pas encore cicatrisées. Le 16 mai 1940 les premiers réfugiés belges arrivent à Villemur, ils seront environ 1200 à être hébergés dans notre ville secourus par un comité d’entraide piloté par André Brusson dont les liens avec la Belgique sont étroits, possédant des parts dans la société Francobel près de Charleroi. Ces réfugiés belges repartiront pour la plupart par train spécial le 31 août 1940. Trois mois plus tard, le 22 novembre arrivent des réfugiés lorrains, expulsés de la Moselle annexée par les nazis. La plupart resteront à Villemur durant toute la guerre.
En 1941 la Société Générale d’Equipements (S.G.E) basée à Puteaux dans la banlieue parisienne, se replie à Villemur. Cette société décide de s’implanter dans le Sud-Ouest à proximité des usines d’aviation de Toulouse qui était à l’époque le seul grand centre aéronautique de la zone libre.
Les allemands envahissent « la zone libre », arrivent à Toulouse le 11 novembre 1942. À Villemur ils réquisitionnent les locaux nécessaires à leur installation. La situation va se tendre davantage entre avril et mai 1944 avec l’arrivée dans la région de la division SS « Das Reich », d’autant que l’on assiste à une montée en puissance de l’activité des maquis y compris dans le villemurois. Les deux groupes d’artillerie SS qui stationnent dans la ville quittent Villemur avec le gros de la division au lendemain du débarquement, laissant sur place quelques unités. Rafles et accrochages se multiplient jusqu’au pire : l’assassinat, le 28 juin de quatre civils au Born et de Paul Futter jeune juif caché parmi d’autres par le père Auguste Arribat à l’école Saint-Pierre. Un mois plus tard, quatre maquisards sont tués à Villemur, enfin arrive la sinistre journée du 20 août. Ce jour-là, un des derniers détachements de la division « Das Reich » quitte Toulouse, traverse Villaudric où elle massacre 19 civils. La colonne arrive à Villemur, Victor Rey est abattu, sur les Allées Notre-Dame. Dans cette sinistre période comment ne pas citer l’épisode ayant pour cadre la place de la mairie, où 17 jeunes gens pris en otages par les allemands ne doivent la vie sauve qu’à l’héroïque courage du maire Désiré Barbe.

10. DE LA S.G.E à MOLEX

C’est dans les bâtiments de l’ancienne scierie Sabatier que la Société Générale d’Equipements sous la direction de Pierre Compte s’est implantée en 1941, mais ce n’est qu’à partir de 1945 que l’usine commence à assurer des fabrications importantes. L’usine SGE de Vire dans le Calvados qui a beaucoup souffert des combats de juin 1944, voit plusieurs de ses fabrications déplacées sur celle de Villemur ce qui va aider cette dernière dans son expansion. Un centre d’apprentissage est créé, permettant le recrutement des ouvriers professionnels et des agents techniques, ce centre fonctionnera jusqu’à la fin des années 1960.
Dans les années 1950, le site de Villemur se spécialise dans la fabrication des équipements électriques, canalisations préfabriquées pour l’automobile et pour l’aviation. L’activité grandissante de la S.G.E l’amène à fusionner en 1959 avec une autre grande société : la Précision Mécanique Labinal. Les clients s’appellent Dassault, Matra, Sud-Aviation : c’est à Villemur que sont fabriqués entre autres les câblages électriques des Mirage III ou de la Caravelle. L’arrivée d’Airbus dans les années 70 va accroître cette activité. L’atelier de câblage auto équipe les Simca, Unic, Saviem…les clients de l’électro-ménager s’appellent Laden, Hoover, Bonnet…La nécessité de s’étendre conduit l’entreprise à ouvrir trois nouveaux sites : Labastide-St-Pierre, Cahors et Montauban.
En 1973, débute la sous-traitance des cartes électroniques pour I.B.M qui la retire en 1992 provoquant près de 200 licenciements. L’activité connectique se poursuit avec le rachat de Cinch. Dans les années 2000, Labinal est racheté par le groupe Snecma qui restructure, l’activité automobile est cédée à Valéo, la société Connecteur Cinch reste dans le giron de Labinal.
En 2004 la société américaine Molex rachète la partie automobile de Connecteur Cinch à Labinal, ce dernier continue de produire, depuis Villemur à destination du secteur aéronautique. Le 23 octobre 2008, « coup de théâtre », la direction de Molex annonce la décision de fermeture du Site de Villemur. Près de 300 personnes sont licenciées, une longue bataille juridique débute qui ne trouvera son épilogue qu’en 2016. La société VMI reprend une partie des actifs de Molex et continue d’exploiter l’ancien site industriel.
En 2012, une nouvelle usine de production de câbles électriques Labinal est inaugurée. Le groupe Safran investit 12 millions d’euros dans le site de « Pechnauquié », qui avec cette usine moderne, doit mieux répondre aux augmentations de cadence des avionneurs. Plus de 700 salariés travaillent sur ce site.

11. LES TRENTE GLORIEUSES

Après la courte mandature d’Eugène Boudy (1945-47), l’élection du 26 octobre 1947 voit l’émergence à la tête de la municipalité de Léon Eeckhoutte, jeune maire de 36 ans, qui va marquer la ville de son empreinte pendant près d’un demi-siècle. Le 2 août 1950, Désiré Barbe, l’ancien maire est fait chevalier de la Légion d’Honneur, récompensant une vie entière passée au service de la ville, et un an plus tard, Léon Eeckhoutte est élu conseiller général de la Haute-Garonne, gravissant ainsi les premières marches de sa longue vie politique.
Alors que s’achève la guerre d’Indochine (où deux soldats villemuriens sont tués), un autre conflit débute en Algérie ; de nombreux jeunes appelés vont combattre à leur tour hors de nos frontières. Conséquence de cette guerre pour l’usine Brusson, les fournisseurs semouliers d’Afrique du Nord arrêtent leurs exportations, conduisant l’implantation en métropole de grosses unités de semoulerie plaçant l’entreprise devant des problèmes difficiles à résoudre. Malgré cela le secteur industriel a le vent en poupe, tiré par la Société Générale d’Equipements, est en pleine expansion. L’agriculture, par contre, est fortement impactée par les rigueurs de l’hiver 1956.
Les quinze années à venir vont être marquées par de grandes réalisations sur les deux rives du Tarn : la maison de retraite Saint-Jacques ouvre ses portes le 1er janvier 1958, le corps des Sapeurs-Pompiers s’installe dans les nouveaux bâtiments place de la Marine, un Cours Complémentaire flambant neuf ouvre sur les allées Charles de Gaulle, et le 25 juin 1960 est inauguré le second pont enjambant le Tarn, baptisé Eugène Boudy, en hommage à l’ancien maire qui avait proposé sa construction dans l’immédiat après-guerre.
Cette nouvelle liaison entre les deux rives va accélérer la construction d’immeubles H.L.M et l’aménagement du lotissement communal « La Cité Verte », où 59 villas vont bientôt sortir de terre, répondant ainsi à la demande croissante de logement. En effet, la S.G.E rachetée par Labinal, renforce sa position dans le pôle aéronautique toulousain, augmente ses effectifs et Brusson Jeune se relance en modernisant ses ateliers de paquetage et de fabrication des pâtes.
La fin de la Guerre d’Algérie va avoir pour corollaire l’arrivée de nombreux rapatriés. Villemur et la plaine du Tarn seront une terre d’accueil pour ces « Pied-Noirs » qui vont s’investir fortement dans la vie de la commune. Malgré les difficultés d’installation, artisans et commerçants vont s’installer en ville ou à la périphérie tandis que les agriculteurs vont redonner vie à la culture céréalière et surtout à l’arboriculture.
Revers de la médaille de cette guerre atroce, les jeunes villemuriens vont payer un lourd tribut : 7 jeunes du contingent laisseront leur vie en Algérie.
Dans la décennie suivante, au plan de l’enseignement et de la jeunesse, l’école primaire Michelet ouvre rive gauche absorbant les élèves de Magnanac dont l’école a fermé, le C.E.G se transforme en C.E.S, « Le Petit Prince » institut de rééducation pour les enfants ouvre ses portes sur les allées Charles De Gaulle, la M.J.C s’installe à l’ancien hospice.
Dans le domaine sportif, L’U.S Villemur, après son titre au niveau national en 1959 (3e série) est de nouveau Champion de France de rugby en 1966 (2e série)

La municipalité décide de racheter le vieux moulin (actuelle Tour de Défense) et le parc des établissements Brusson, les Greniers du Roy sont restaurés, une association pour le développement du tourisme en villemurois est créée : 18 kilomètres de sentiers de randonnée viennent compléter l’effort pour le développement touristique.
Alors que les premiers feux tricolores sont installés au carrefour Saint-Pierre en 1981, la rive gauche qui a déjà vu s’installer la nouvelle gendarmerie va bientôt voir éclore le foyer logement des Magnolias dans le parc Brusson, le nouveau collège Albert Camus, le lotissement du Parc de Calar, un centre commercial et le lancement de la zone d’activités de Pechnauquié.

12. LE VILLEMUR CONTEMPORAIN

Les dernières décennies sont marquées par le déclin de l’activité industrielle qui va toucher les deux plus gros pourvoyeurs d’emplois du villemurois.
En premier lieu les difficultés économiques de Brusson Jeune apparaissent dès les années 60, et vont s’accentuer sans trêve par la suite. De plans sociaux en arrêts de production la chute est inexorable jusqu’au dernier dépôt de bilan en 2006. Le dernier épisode se soldera par l’arrêt de la fabrication des cheveux d’ange à Villemur en 2014.
La réorganisation de Labinal et surtout la triste affaire Molex vont ensuite assombrir le climat social. Malgré tout, la nouvelle usine Safran et ses 500 employés à Pechnauquié et VM-Industries ont repris le flambeau pérennisant à Villemur les industries liées à l’automobile et l’aéronautique.
Les municipalités qui se sont succédées jusqu’à aujourd’hui essayent de résoudre les divers problèmes de notre société, à savoir la sauvegarde de l’emploi, la sécurité, l’éducation, le vieillissement de la population, tout en respectant les réglementations gouvernementales draconiennes en ce qui concerne les risques liés aux inondations. (PPRI)
Ces dernières contraintes ont des conséquences en particulier sur le devenir des friches industrielles Brusson, dont la sauvegarde et la valorisation semble prendre, depuis peu, un tour favorable.
Le développement de la vie associative, la sauvegarde du centre historique, la vie du petit commerce, sont d’autres dossiers d’importance.
Dans un proche avenir, des décisions devront être prises sur le devenir de la navigabilité du Tarn qui ferait renouer Villemur avec son passé, mais serait aussi une mesure d’importance pour l’essor du tourisme local.
Enfin Villemur avec ses 6.000 habitants doit se battre quotidiennement pour garder son rang de chef-lieu de canton et poursuivre son développement dans les nouveaux espaces – régions, intercommunalités – créés récemment par l’aménagement du territoire.


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